Sujet : XO - bière vieillie en fût d'armagnac
La brasserie la Binchoise se lance dans une bière spéciale, refermentée en fût de chêne ayant contenu de l'Armagnac
Le brasseur fait céder le bouchon du sombre flacon. Et verse d’un geste haut l’élixir dans un verre ballon. Une mousse dense et crémeuse se forme dans un murmure religieux. Mais avant d’avancer les lèvres, il faut d’abord humer d’étonnants effluves...
Car déguster un verre de XO, c’est d’abord respirer un étonnant parfum d’Armagnac. La dégustation vient enfin. Ronde en bouche et puissante, cette bière complètement inattendue se déguste comme un bon vin. Et laisse longtemps sur la langue le picotement caractéristique d’un alcool fort.
“ C’est au cours d’un voyage en Italie que j’ai découvert que l’on pouvait voir la bière différemment ” explique Bruno Deghorain, le patron de la brasserie La Binchoise. C’est en se promenant au milieu des vignes en mai 2008, que le brasseur artisanal de la cité du gille prend conscience des similitudes entre son métier et celui de viticulteur. La rencontre de plusieurs “ petits ” brasseurs italiens achève de mûrir son idée. Mais c’est en France, à Hontanx, qu’il va rencontrer le viticulteur qui deviendra son partenaire. De retour à Binche, il peaufine une idée pour le moins audacieuse: “ J’allais brasser un moût aussi dense que celui du vin. Trouver une levure capable de le fermenter et mûrir longuement ma bière dans des fûts de chêne ”.
Mais pas dans n’importe lesquels. C’est son ami “ Fred ”, producteur indépendant depuis quatre générations, qui va lui fournir des barriques d’Armagnac, certes vides, mais toujours imprégnées et saturée d’eau-de-vie. Et en échange, Bruno lui fournira des bouteilles...
“ Concrètement, après une fermentation classique en cuve horizontale, la bière est clarifiée au froid pour la dépouiller de ses levures ”, explique Bruno Deghorain, qui est aussi ingénieur chimiste et agronome de formation. Pour instiller un zeste d’amertume mais pas trop, on ajoute ensuite du houblon frais dans la cuve de garde (dry hoping). Vient ensuite la période de maturation en fûts. Dont les premiers datent de 1989! Ce laps de temps fort long laisse à Bruno le loisir... de s’angoisser un brin: quelle est la levure qui sera capable de refermenter une bière à 12 % d’alcool?
In XO veritas
Celle de La Binchoise, pardi. Et cela marche du premier coup. Reste à baptiser cette bière qui n’en n’est plus vraiment une. Les noms se succèdent, plus ou moins originaux: “ Prestige ”, “ Plus Oultre ”, “ Grande Réserve ”... Et pourquoi pas “ XO ”, deux lettres qui, dans le jargon vinicole, désignent un Armagnac de sept ans d’âge. “ Et en plus, cela fait juste sept ans que nous avons repris les rênes de la Brasserie La Binchoise ” songe Bruno avec un zeste de superstition.
Reste à penser à l’emballage. Cadet des soucis de notre brasseur binchois qui a toujours préféré se concentrer sur le produit plutôt que sur son enveloppe ou sur la publicité.
1549... bouteilles
Tout de même, Emmanuel Cennerazo (Trebius Valens), chargé du graphisme, a réalisé là un bien joli travail. Le galbe de l’objet fait penser à une bouteille de champagne ou encore, à un flacon italien. L’étiquette en X, donnera beaucoup de travail à l’équipe de la brasserie (quatre personnes) qui, du remplissage à l’étiquetage en passant par le bouchonnage, ont tout fait à la main.
Bon sang binchois ne saurait mentir: le millésime 2009 sera numéroté en 1549 bouteilles. Pas une de plus ou de moins. Marie de Hongrie aurait apprécié...
Et vous, aurez-vous la vôtre?
Source : La Meuse