J'ai trouvé ça aussi :
"Bière et vin, quand deux mondes se rencontrent" de Claude Boivin.
"Je dois avouer, d'entrée de jeu, que je ne connais pas grand chose au vin, à part qu'en boire du bon me procure un certain plaisir, et que ce plaisir est moins grand que lorsque je bois une bière.
J'ai toutefois des amis œnophiles qui aiment bien m'inviter de temps à autre à leurs agapes, et c'est toujours avec grand plaisir que j'accepte. J'y vois là une belle occasion d'apprendre sur le vin et mes amis aiment sûrement avoir l'opinion d'un bièrophile. Tout récemment, une de ces occasions s'est présentée.
Lorsque j'accepte une invitation, ce n'est pas seulement parce que je sais que je pourrai bien manger et bien boire, mais aussi (et surtout!) parce que nos soirées sont presque toujours thématiques et combien enrichissantes. Le thème, cette fois-ci, était «les catalyseurs d'alliances».
C'était à l'occasion d'un anniversaire, et notre hôte nous avait préparé toute une table, et tout un défi: deux entrées, accompagnées de deux vins blancs dégustés à l'aveuglette, suivies de quatre plats, accompagnés de quatre vins rouges dégustés à l'aveuglette. Le défi était de découvrir quel vin allait avec quel plat.
Lorsque nous fûmes rendus au curry d'agneau, j'ai tout franchement affiché mes couleurs (encore une fois) en annonçant que ce plat n'allait non seulement avec aucun des vins proposés, mais tout simplement avec aucun vin. Le curry, comme tout plat épicé, se mange mieux accompagné d'une bière. Ça a été l'ouverture de la vanne qui a permis au flot de discussions et de comparaisons entre le vin et la bière de couler jusqu'aux petites heures du matin.
Je suis bien aise d'avoir des amis aussi ouverts d'esprit, qui acceptent la présence d'un bièrophile endurci à l'intérieur de leur sphère œnophile, malgré qu'une des invitées ne s'est pas gênée pour afficher son snobisme. Mais les gens qui aiment véritablement le bon vin ont souvent tendance à aimer la bonne bière. Pour ce qui est des snobs, ils s'en tiennent davantage à l'image qu'a l'essence des choses, et se contentent de régurgiter des phrases préfabriquées comme «son bouquet est spécial» et «il irait bien avec un cheddar fort.» Mais le monde du vin et celui de la bière cohabitent difficilement, et je ne crois pas que l'un complète l'autre.
Premièrement, le chauvinisme se camoufle difficilement. Les œnophiles, peu importe à quel point ouverts d'esprit, parleront toujours d'un peu plus haut que les bièrophiles. On le reconnaît par les «mais bien sûr que la bière peut accompagner les mets» sur le même ton qu'un propriétaire de piscine creusée dirait qu'on a autant de plaisir à se baigner dans une piscine hors-terre. Jamais un œnophile ne se sentirait mal à l'aise de commander du vin dans n'importe quel restaurant, mais le bièrophile qui commande une bière dans un restaurant chic risque souvent d'essuyer les regards des autres clients, lorsque ce n'est pas carrément l'attitude du serveur.
Là où les deux mondes se rejoignent, c'est lorsqu'on parle des arômes et des flaveurs. C'est après cela que l'œnophile parle en long et en large de cépage, puis de cépage, pour finir avec une discussion sur le cépage. Parle-t-on, bièrophiles, d'eau? Rarement. Parle-t-on de malt? Pas souvent, ni longtemps. On parle de houblon, de levure, de fermentation et de méthode. On parle d'inspiration d'origine, de qualité de travail et du talent du brasseur. Pour faire du vin, les raisins doivent êtres foulés. Pour faire de la bière, la céréale doit être maltée, moulue et empâtée avant que le moût ne puisse être filtré, cuit et aromatisé. Le vin n'est fait que de raisin, tandis que la bière requiert du malt, de l'eau, du houblon et est fermentée par des micro organismes le plus souvent soigneusement choisis. C'est ce qui fait sa complexité. En tout et pour tout, on pourrait dire que c'est la bière qui est la plus noble des boissons. C'est ce que je soutiens depuis toujours.
Nous nous sommes rendus jusqu'à très tard dans la nuit à parler de ces différences et, même si nous n'avons pas réussi à se faire rejoindre nos deux mondes, nous avons réussi à nous enrichir et à mieux connaître le monde de l'autre. J'ai hâte à la prochaine rencontre, car il s'agit d'une discussion qui ne verra probablement jamais de fin."
Pas de style, pas de famille : des méthodes.