Chris59 a écrit:Je comprends aussi que ces "nouvelles bières" fascinent des passionnés, avide et amoureux d'un patrimoine séculaire, et font revenir leur clientèle vers ce marché.?
Les grandes brasseries industrielles sont plus anciennes que les brasseries artisanales, dont la plupart s'éteignent rapidement ou perdent leur identité en étant rachetées/absorbées.
Ce n'est pas un syndrome passéiste ("de l'âge d'or" : allez voir le dernier Woody Allen c'est une merveille !) qui nous pousse à aimer les bières artisanales, ce n'est pas parce qu'elles produisent quelque chose "comme dans le temps quand c'était mieux que maintenant, c'est au contraire parce parce qu'elles sont créatives et innovantes.
Chris59 a écrit:Meme si la loi de l'offre et de la demande, est bel et bien encore là, augmenter la clientèle d'un artisan reviendrai à l'obliger à indistrialiser sa bière de manière à pouvoir satisfaire toute sa clientèle, non ??
C'est aussi une question d'éthique personnelle, de prise de plaisir, il n'y a pas que l'argent qui pèse dans la balance, quand le brasseur reste seul acteur de son destin.
Il y a bien des contraintes de marché qu'il faut respecter faute de devoir mettre la clé sous la porte. Aucun brasseur ne peut évidemment se permettre de produire une bière qu'il ne vendra pas.
Plus on augmente la production, plus on augmente le panel de consmmateurs visés. Quand bien même on ne sacrifierait pas à la qualité de production sur l'autel de la rentabilité, on doit bien séduire un nombre important de consommateurs pour les amener à effectuer un acte d'achat, et si possible le renouveler. Plus le panel est large, moins on peut se permettre d'être inventif.
Sur un panel plus large, c'est le consommateur moyen qui sera statistiquement moins attentif aux qualités intrinsèques du produit, plus attaché à l'image qu'il véhicule.
Et là on se retrouve plus dans les techniques de marketing que dans les techniques de brassage : un brasseur amateur n'a aucune chance de rivaliser sur ce terrain avec les brasseries industrielles : les gens achètent ce qu'ils reconnaissent.
Et là on a l'effet pervers : à partir du moment où les industriels ont la main sur "l'image commune" de la bière, ils préfèrent que ce soit un produit :
- de soif, on peut en boire beaucoup donc en acheter beaucoup
- pas cher, on peut donc en acheter beaucoup
- peu différencié, donc consensuel, on peut être nombreux à en acheter beaucoup.
Les petits brasseurs vendent aussi une image, on leur achète "de confiance" des produits que l'on ne connait pas. Si leurs produits ne répondent plus à l'image du brasseur, leur clientèle plus exigeante que la moyenne ira voir ailleurs. On a vu des micro brasseurs avoir des problèmes répétés de qualité, ou partir dans tous les sens pour finalement sortir quelques bières sans intérêt : le résultat est que chez ceux-là on n'achète plus les yeux fermés.
Chris59 a écrit:J'aimerais bien connaitre pourtant votre avis, et d'ou vient votre amertume envers ces bières industrielles. Qui n'en possède pas dans son réfrigirateur pour la coupe soif rapide ? En quoi les bières des petites brasseries font l'unanimité dans votre cave ?
"amertume" n'est pas le premier mot qui me vient à l'esprit pour parler des bières industrielles !
La population du forum n'est pas représentative de la population puisqu'elle se concentre ici sur un intérêt particulier pour la bière, avec une plus grande attention aux qualités du du produit.
Le monde est tel qu'il est et il y aura toujours dans tous les domaines des industriels et des artisans, il y a la place pour tout le monde.
Il y a tant à découvrir que les bières industrielles n'ont généralement pas la place dans une consommation modérée d'amateur de bière.
L'équilibre du "chasseur de bières" passe par la pesée entre
- d'une part l'avidité à découvrir et/ou à savourer des bières élargissant son horizon gustatif, lui procurant ou lui renouvelant de merveilleuses expériences de dégustation.
- d'autre part la nécessaire modération médicalement imposée pour la consommation d'un produit alcoolisé.
Dans ces conditions, ça ne rime à rien de consommer de l'alcool sans plaisir, parce que les bières industrielles ne nous font rien découvrir et ne procurent pas de plaisir. C'est à relativiser parce qu'on ne peut pas consommer/déguster que des bières extrèmes, et il arrive à plus d'un, même s'il est de la "Vieille Ecole", de se boire une jupiler pour se refaire le palais.
Ce n'est pas de la haine envers les bières industrielles, simplement un manque d'intérêt. Je n'ai pas de bières industrielles dans mon frigo. J'ai de temps en temps un fut de Jupiler en perfect draft quand je recois un peu de monde (dans ce cas : logique de panel : je ne peut pas sortir mes merveilles qui ne plairont pas, et quand bien même je pourrais présenter une bière goûteuse et légère comme la Lepers 6, ce qui va plaire ici c'est le tirage au fût).
Quand j'ai soif je bois de l'eau. Quand je veux déguster, c'est forcément quelque chose de plus intéressant qu'une bière industrielle.
Il reste un cas de figure : on est au restau et il n'y a que des bières industrielles, que fait-on ? Une fois sur deux je n'en prend pas. L'autre fois sur deux, c'est justemment l'occasion de se refaire le palais, de retrouver des repères, pour éviter de commencer à trouver lassantes des dégustations de petites merveilles (je ne donne volontairement pas d'exemples, mais il m'est arrivé de commencer à devenir blasé sur des trucs inaccessibles au commun des mortels, et c'est bien dommage)
Dernieère précision ; il est difficile de savoir où placer le curseur de l'industriel, est-ce que c'est purement en fonction du mode de production ou est ce que la bascule se fait au niveau de la prise de primauté du marketing sur le produit ? Un exemple intéressant est celui de Duvel :
- le processus et les quantités produites sont clairement industriels
- la Duvel et les Chouffe sont pourtant de bonnes bières, traduisant un attachement du brasseur à la qualité du produit
- et pourtant nombreux sont ceux qui déplorent une perte de personnalité de la Duvel et de la Chouffe Houblon
- et pourtant, en produisant plus largement la Chouffe houblon et en titillant le marché avec le Duvel Triple Hop, le brasseur a fait preuve d'innovation
il fait beau